Système de Santé : Ce qui manque à Macron

Par Jean-Michel Chabot, pour le Blog du Think Tank Economie Santé

20 Jan 2023
Jean-Michel Chabot

Voilà quelques jours, initiant des vœux annuels aux professions de santé devant les personnels d’un hôpital de la région parisienne, le président Macron a reformulé les orientations que son gouvernement devrait privilégier pour les temps à venir.

 

Sans surprises, le propos se détourne du « toujours plus ». Et peut se résumer à la formule suivante, davantage de liberté à l’hôpital, beaucoup plus de coopération en ambulatoire et enfin une coordination opérationnelle entre les deux.

 

Enoncé comme cela, la plupart des acteurs du système de santé ne peuvent que convenir du bien-fondé du propos présidentiel. Reste qu’on s’interroge sur les méthodes et moyens qui vont pouvoir être mobilisés pour y parvenir ; et surtout sur les ressources humaines susceptibles d’animer ces mêmes méthodes et moyens.

 

Pour l’ambulatoire, l’évolution vers un exercice regroupé et pluriprofessionnel, le cas échéant territorialisé, est maintenant acquise. En cultivant une diversité des formes de regroupement, elle devrait devenir largement majoritaire, sans toutefois prétendre à l’exclusivité. Deux écueils menacent cependant. D’abord, la défiance qui anime encore un nombre conséquent de praticiens attachés à l’exercice traditionnel. On peut les entendre. Ils n’ont guère été préparés à ce nouveau mode d’exercice, ni à la faculté, ni par leurs instances professionnelles. Cette impréparation est dommageable alors que la pluriprofessionnalité et la montée en puissance des assistants/coordonnateurs, des « pratiques avancées » et autres travailleurs sociaux autour des médecins est à l’œuvre dans l’ensemble des pays développés depuis une vingtaine d’années. Impréparation d’autant plus dommageable que des résultats positifs, tangibles, aisément accessibles et reproductibles y sont obtenus en termes de bénéfices pour les malades – en particulier les malades chroniques et complexes – et sans préjudice pour les médecins, bien au contraire. Ces résultats auraient dû être largement diffusés et partagés dans les milieux professionnels et au-delà dans les cercles politiques, en particulier chez les politiques locaux au contact de la population. Les inévitables alarmes « au danger et à la perte de chance » entendues ces derniers jours – et complaisamment relayées – s’en seraient trouvées délégitimées…

 

Le second écueil est plus menaçant. Il concerne les timides avancées qui ont été péniblement obtenues en matière de délégations par plusieurs professions improprement dénommées paramédicales (orthoptistes, infirmières, kinésithérapeutes…) auxquelles on peut associer les pharmaciens et sage-femmes. Ces délégations ont été accordées en tant qu’actes propres si bien que chacune des professions concernées est fondée à en revendiquer la « propriété ». C’est une erreur, qui encourage la conception en silo ou corporatiste de chaque profession et risque de perpétuer l’exercice individuel, y compris chez les nouvelles professions. Alors que ces nouvelles (tout comme les plus anciennes) devraient privilégier la coopération au service du patient à leur identité propre. Il aurait été bien préférable de promouvoir ces délégations (et bien d’autres) comme l’apanage d’un exercice rénové où différents professionnels de compétences complémentaires contribuent à la meilleure prise en charge de chaque malade ; en corollaire, des modalités de rémunération innovantes et attractives, encourageant à cette bonne coopération/coordination auraient été bienvenues …

 

Bref, qui, en aval des propos tenus par le Président Macron, peut, auprès des facultés, des instances professionnelles et plus largement des personnels politiques, tenir ce langage et justifier – au nom des professionnels eux-mêmes* – la mutation en cours des conditions d’exercice des professions de santé ?

 

La situation est également compliquée à l’hôpital, qui a fonctionné depuis une cinquantaine d’années et jusqu’ici en bénéficiant d’une position dominante et d’un engagement sacrificiel d’une partie significative de ses personnels soignants et médicaux. Ce type d’engagement n’a plus cours aujourd’hui et les technologies modernes conduisent à des modalités de prise en charge des malades où les « mètres carrés des services ou bien le nombre de lits classiques » comptent moins que la disponibilité et la compétence des soignants.

 

La liberté avancée dans le propos présidentiel suppose une agilité dont l’organisation hospitalière telle qu’elle s’est développée ces dernières vingt années est le plus souvent incapable, même s’il existe ici ou là des réalisations innovantes et probantes. Avant tout, cette liberté proposée requiert que toute une série de rigidités statutaires, procédurales et hiérarchiques soient solutionnées, ce à quoi les uns et les autres se refusent obstinément…

 

Alors qui pour mener ces chantiers ?

 

Quant aux échanges fluides et à la plus grande coordination entre « la ville et l’hôpital », la technologie maintenant disponible sinon domestiquée devrait y contribuer de manière décisive dès lors que les usages privilégieront résolument la simplicité. Il restera alors à finir de combler le fossé culturel entre ces deux mondes « hospitalier » et « libéral ». La multiplication résolue des ouvertures et des transferts de postes entre les deux en serait un puissant vecteur.

 

Et là aussi il faudra trouver des maîtres d’œuvre.

 

Finalement, tout cela revient à dégager des « intérêts à agir » ; ce qui n’a guère été fait jusqu’ici.

 

*et ainsi redéployer des perspectives au lieu de se cramponner à des principes surannés.

 

Jean-Michel Chabot est Professeur de Santé publique et membre du Think Tank Economie Santé, développé par Les Echos Le Parisien Evénements.

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