Stratégie nationale de santé : Pourquoi les maladies chroniques réinventent la médecine

Le Blog du Think Tank Economie Santé

27 Nov 2017
Le Blog du Think Tank Economie Santé

Rançon du progrès, les maladies chroniques explosent et imposent un nouveau regard sur la médecine et sa relation à la santé et aussi sur l’organisation du système de soins. 20 millions de patients chroniques aujourd’hui en France, demain encore plus. Les conséquences de cette « révolution » n’ont pas encore tous été tirées alors qu’il y a urgence tant pour le bien-être des patients que pour les cordons de la bourse.

 

Paru au printemps dernier, le livre « Les maladies chroniques. Vers la 3ème médecine » offre un regard aussi étonnant que riche et diversifié. Il analyse et décortique les fondements des changements inhérents à ce profond bouleversement et propose aussi des pistes simples pour faire face. Alors que la Stratégie nationale de santé d’Agnès Buzyn vient d’être soumise à une consultation nationale, il constitue une remarquable synthèse qui fait du bien car « humaniste ».

 

Impressionnant par sa pagination (772 pages) qui ne doit en rien rebuter, « Les Maladies chroniques. Vers la 3ème médecine », l’est surtout par l’approche multiple qu’il propose. Il met en exergue la réalité de la médecine dans toute sa complexité en donnant la parole à soixante-quatorze médecins, experts et surtout patients. On est loin des recettes simplistes et des solutions toutes faites que proposent trop souvent les adeptes des innovations technologiques déconnectées de la vraie vie.

 


Trois défis

 

La maladie chronique est d’abord un défi pour celui ou celle qui va devoir vivre avec et qui passe bien souvent par un travail de deuil. Les auteurs expliquent d’entrée de jeu que le patient va donc devoir gérer sa maladie en évitant de se rendre « malade d’être malade ».

 

C’est aussi un défi pour les soignants car l’impuissance relative de la médecine biotechnologique met à mal leur identité de bienfaisance et leur culture de médecine curatrice et le médecin doit renoncer à l’illusion de toute-puissance. Chaque personne malade insistent les auteurs a son propre ressenti, ses propres normes, son expérience intime de la maladie, sa propre capacité à décider, c’est sur ce terrain que va se décider l’ « alliance thérapeutique » … on est loin de l’intelligence artificielle forcément normative et réductrice.

 

Défi enfin pour le système de soins qui n’est pas adapté. La prévention doit être renforcée. La médecine doit être intégrée en s’appuyant sur la biomédecine, la pédagogie, la psychologie et le social. Elle doit surtout être coordonnée entre tous les professionnels avec un maitre mot : l’accompagnement. Le système de financement doit être revu pour faciliter cette transformation.

 


La troisième médecine

 

L’ouvrage aborde successivement les spécificités de la maladie chronique en ouvrant sur une réflexion sur le normal et le pathologique. « Etre malade, c’est d’abord une modification du sentiment de soi ».  Puis sont détaillés dans le chapitre « Vivre avec les maladies chroniques », avec de nombreux témoignages de malades : le diabète, les obésités, le sida, les maladies respiratoires, la maladie rénale, la polyarthrite rhumatoïde, la sclérose en plaques, la maladie de Parkinson, la maladie de Charcot, l’insuffisance cardiaque, la maladie d’Alzheimer, les maladies chroniques du grand âge, chez l’enfant et l’adolescent, de la précarité. Chaque cas est particulier et pourtant tout cela constitue un corpus édifiant.

 

La 3ème médecine, c’est le cœur de l’ouvrage. C’est l’éducation thérapeutique, nouveau modèle médical où tout reste à inventer, ou presque et qui devrait être réellement intégrée aux soins.

 

Tout revient dans cette démonstration en fait à la relation médecin-malade qui se doit d’avoir comme objectif l’autonomie du patient. La confiance est un  facilitateur de la coopération dans un monde incertain. Elle doit permettre une meilleure observance, clé de voute de la prise en charge des maladies chroniques.

Le cinquième chapitre ne propose rien de moins qu’une réflexion philosophique. « La relation de soin – prenant en compte les contradictions qui la ruinent – sera éthique et normative, c’est-à-dire favorisera l’épanouissement réciproque (médecin-patient) de la vie bonne avec la maladie ».

 

Bien sûr la formation des soignants a droit à son chapitre tant le développement de l’empathie est de ses différentes facettes  est crucial. De même que l’enseignement de la « relation de soin ». Le médecin paternaliste – type adulte-enfant – c’est fini. La relation de soin a suivi l’évolution de la société, avec le besoin revendiqué par les individus d’indépendance et d’autonomie. Cela dit, il n’y a pas de recette prête à l’emploi. La relation de soin moderne, c’est un art.

 

Ce plaidoyer se conclut par la prévention et l’organisation des soins et leur financement.

 

On l’a compris « Les maladies chroniques » est une sorte de Bible qu’on ne lira pas d’une traite mais à laquelle on se référera, bien qu’il n’y ait pas ici de dogmes et encore moins de sacralisation, juste une réflexion multiple et éclectique qui ouvre des perspectives, une réflexion et le débat.

 


« Les maladies chroniques. Vers la 3ème médecine ». André Grimaldi, Yvanie Caillé, Frédéric Pierru, Didier Tabuteau. Odile Jacob. 24,90€ Les droits d’auteur de l’ouvrage sont reversés à l’organisation humanitaire ATD-Quart Monde